L'âge d'or

L’orfèvrerie est un art terrible ; le monde lui tourne le dos depuis trop longtemps. Et pourtant cet art majeur compte parmi l'une des plus grandes figures de notre temps : Goudji. A l'égal d'un Benvenuto Cellini, Goudji ne crée pas des belles choses : il donne forme à la beauté. L'enthousiasme qu'il apporte à faire servir la matière aux vœux les plus élémentaires de l'âme en font un cas unique. Inclassable. Est-il moderne ou archaïque ? Ce débat est sans fin. Quoiqu'il en soit, une évidence s'impose : Goudji va loin car il vient de loin. Son alchimie vise l'or du temps. Même dans ses pièces profanes, son oeuvre est un essai à l'éternité. La laideur est ce qui passe. Passionné du style supérieur de la forme, Goudji crée une beauté qui sort de la vie, dans tous les sens : elle en vient ; et elle en sort, en ce qu'elle n'y reste pas. Cette fonction mystérieuse de l'art permet à chacun d'oublier qu'il est périssable. La vue des pièces de Goudji nous enseigne peut-être le contraire de ce que nous dit Dostoïevski, par la bouche du Prince Mychkine dans L’Idiot : c'est parce que le monde est beau qu'il sera sauvé.
Stéphane BARSACQ